L’auto-assemblage des protéines est un enjeu de santé publique majeur, mais ces mécanismes sont encore mal compris. Les chercheur et chercheuses de l’Institut Weizmann ont avancé dans la compréhension de ce secret bien gardé du corps humain, qui conduit à des maladies telles que le diabète ou Alzheimer.
Les fonctions du corps humain sont assurées par des molécules de grandes tailles et d’une grande complexité, nommées protéines. Par exemple, le stockage de l’oxygène dans notre sang est assuré par l’hémoglobine, une protéine. La structure et la dynamique de ces protéines sont absolument essentielles pour le bon fonctionnement de notre organisme qui, en contact avec le monde extérieur, subit de très nombreuses mutations. Dans une grande majorité des cas, elles sont soit bénignes, soit provisoires, car notre organisme arrive à détruire ces mutations. Mais il arrive qu’une mutation survive à notre myriade de systèmes de défense du corps et s’installe. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, des protéines mutées commencent à s’agréger et provoquent les symptômes que nous connaissons.
Le Dr Emmanuel Levy et son équipe se sont intéressés à la capacité d’auto-assemblage des protéines entre elles. En s’inspirant de la protéine d’hémoglobine, connue pour sa capacité d’auto-assemblage dans la maladie génétique de la drépanocytose, ils ont tenté de comprendre les critères d’auto-assemblages des protéines.
Ils montrent l’importance de la symétrie interfaciale : si en plus de ses capacités de symétrie, la protéine possède des groupements enclins à former une liaison, les protéines commenceront à former des filaments de plus en plus longs, au fil de l’auto-assemblage.
Prenons les deux exemples susnommés – la drépanocytose et la maladie d’Alzheimer. Dans le premier cas, les protéines d’hémoglobine peuvent s’assembler naturellement, sans changer de forme pour l’auto-assemblage. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les protéines doivent changer de forme, ce qui demande du temps et de l’énergie, ce qui explique en partie l’évolution lente de la maladie.
Dans leurs expériences, les chercheurs ont fabriqué une protéine composée de huit unités identiques. Par cette propriété, la mutation d’un gène produit huit mutations identiques dans chacune des unités de la protéine. Après de multiples essais, ils ont finalement trouvé une unique mutation permettant de créer des filaments de grandes tailles, ajoutant des acides aminés hydrophobiques à la surface (i.e. qui n’aiment pas l’eau). Voulant poursuivre leurs études dans un cadre plus large, ils ont sélectionné onze protéines symétriques et ont créé soixante-treize différentes mutations dans chacune d’entre elles. Ce travail titanesque montre que, dans trente cas, les mutations permettent aux protéines de s’auto-assembler. Dans la moitié des cas, les protéines s’assemblent en filaments, dans l’autre moitié, elles forment des grumeaux amorphes.
Si ces mutations sont si faciles à produire, pourquoi sont-elles si rares dans la nature ? Les chercheur observent que, de manière générale, les protéines à grande symétrie présentent à leur surface des acides aminées hydrophiles, ce qui limite les interactions inter-protéines. En effet, le caractère hydrophile ‘attire’ les molécules d’eau, limitant ainsi les interactions avec d’autres protéines.
Ces chercheur font partie d’une grande communauté qui tente de comprendre l’auto-assemblage des protéines, qui est un enjeu majeur de santé publique pour des maladies comme Alzheimer ou le diabète. Ces recherches permettent aussi d’avancer sur la compréhension et le contrôle du monde nano dans sa globalité, c’est-à-dire un monde 100 fois plus petit que le plus petit des grains de sable.
Auteur : Samuel Cousin, post-doctorant à l’Institut Weizmann des Sciences pour BVST
Publication dans Nature, 2 août 2017