Première ! Le Dr Nir Barzilai (Technion) a décidé de convaincre la FDA que vieillir est une maladie
[:fr]Le bloggeur scientifique du journal Le Monde, Pierre Barthélémy, alias « passeurdesciences », a révélé une rencontre d’un genre inédit entre Nir Barzilai et la Food and Drug Administration (FDA, Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux). Nir Barzilai dirige l’Institut de recherche sur le vieillissement de l’Albert Einstein College of Medicine (New York). Israël Science Info précise que Nir Barzilai, sommité mondiale, est diplômé du Technion. Mais pourquoi Nir Barzilai a-t-il tenu à rencontrer la FDA ? En fait, celui-ci veut rien moins que convaincre la FDA que vieillir est une maladie.
Article de Pierre Barthélémy :
« Si elle n’avait pas été détectée par les radars de la revue Nature, la rencontre qui s’est déroulée ce mercredi 24 juin entre une équipe médicale et la Food and Drug Administration (FDA, l’agence américaine des produits alimentaires et des médicaments) aurait pu passer inaperçue. Pourtant, ce qui va se discuter là est un changement de paradigme pour la médecine – et éventuellement la philosophie… – qui pourrait avoir d’importantes conséquences pour l’industrie pharmaceutique. Pour résumer l’enjeu en une phrase, ces chercheurs vont tenter de convaincre la FDA que vieillir est une maladie.
Concrètement, que va-t-il se passer ? Cette équipe, emmenée par Nir Barzilai, directeur de l’Institut de recherche sur le vieillissement de l’Albert Einstein College of Medicine (New York), présentera le projet TAME, mot dont le sens premier est « domestiquer » ou « dresser », mais qui est ici l’acronyme de Targeting Aging with Metformin, c’est-à-dire « Ciblage du vieillissement avec la metformine ». Cette dernière est à l’origine une molécule couramment utilisée contre le diabète de type 2, qui a pour but de faire baisser, chez les personnes qui souffrent de cette pathologie, la résistance anormale de leur organisme à l’insuline. Mais elle a également fait preuve d’autres propriétés étonnantes, notamment sur des modèles animaux. Une équipe russe a ainsi montré dans plusieurs études que la metformine ralentissait le vieillissement et prolongeait la vie chez des souris. Le même genre de résultat a aussi été obtenu avec le petit ver Caenorhabditis elegans, qui est un organisme modèle en biologie.
Nir Barzilai et ses collègues s’appuient aussi sur une étude statistique britannique au long cours, publiée en 2014 par la revue Diabetes, Obesity and Metabolism et qui a impliqué plus de 180 000 personnes. La moitié de cette grosse cohorte était constituée de diabétiques de type 2 dont certains prenaient de la metformine et d’autres un traitement différent, tandis que les quelque 90 000 autres sujets étaient des non-diabétiques, servant de groupe témoin. Non seulement, les diabétiques sous metformine avaient une espérance de vie supérieure aux personnes prenant l’autre traitement, mais ils vivaient aussi, en moyenne, plus longtemps que les sujets non diabétiques ! Même si l’on ne sait pas exactement comment la metformine réalise cet exploit, on suppose qu’elle s’attaque à certaines molécules produites par les cellules sénescentes. Il a aussi été montré qu’elle avait des propriétés antitumorales.
Le projet TAME, s’il est mené à bien, consistera à donner de la metformine à 3 000 personnes âgées (non atteintes de diabète de type 2) pendant cinq à sept ans. Les sujets choisis auront au moins une pathologie liée à l’âge (cancer, maladie cardio-vasculaire ou problème cognitif) ou bien feront partie d’une population à risques. Pour les chercheurs qui défendent cet essai, la metformine, en plus des résultats déjà obtenus, est une molécule dotée de plusieurs atouts car il s’agit d’un médicament générique peu cher, bien connu, dont les effets secondaires sont faibles.
Comme on le comprend bien, la philosophie de ce projet consiste à considérer que le vieillissement n’est pas une simple usure biologique consubstantielle à la vie mais bel et bien une affection, un problème de santé. Pour reprendre l’image un peu osée avancée par mon homologue américain Greg Fish sur son blog « Weird Things », on peut voir le grand âge comme une sorte de sida : « Si on ne le soigne pas, il ne nous tuera pas lui-même, mais il ouvrira suffisamment de portes pour que quelque chose entre et fasse le sale boulot. » L’idée de TAME consiste donc à cibler directement le vieillissement et non plus les maladies qu’il finit par provoquer. A attaquer le mal à la racine afin non pas de découvrir le secret de la vie éternelle, mais, étant donné l’allongement de l’espérance de vie, de vivre en bonne santé plus longtemps. Sinon, comme l’a expliqué au Wall Street Journal un des membres du projet, Stuart Jay Olshansky (université de l’Illinois), on continuera à s’attaquer séparément aux maladies qui apparaissent avec l’âge, combat vain s’apparentant au remplissage du tonneau des Danaïdes : » Quand nous réduisons le risque d’avoir une maladie du cœur, on vit assez longtemps pour avoir un cancer. Si nous réduisons le risque d’avoir un cancer, on vit assez longtemps pour avoir la maladie d’Alzheimer. Nous suggérons que le temps est venu pour attaquer toutes ces maladies en s’en prenant au processus biologique du vieillissement. »
Au-delà de l’idée, intéressante sur le plan physiologique, qui consiste à prendre la sénescence comme une sorte de virus déclencheur de maladies, d’autres considérations, autrement plus matérialistes, se cachent derrière le projet TAME et cette rencontre du 24 juin avec la FDA. Jusqu’à présent, celle-ci n’a jamais considéré le vieillissement comme une « indication » au sens médical du mot, c’est-à-dire comme une pathologie ou le signe d’une altération de la santé. Or, comme l’explique en toute franchise Nir Barzilai, « les compagnies pharmaceutiques ne développeront pas de médicaments n’ayant pas d’indication » officielle de la FDA, car c’est une condition sine qua non pour obtenir le remboursement des traitements par les assurances santé. Comme s’il devait toujours y avoir, en médecine, un moment où les histoires de gros sous rattrapent la recherche…
« Nous sommes confiants dans le fait qu’une fois que la FDA se montrera prête à considérer le vieillissement comme une indication, des médicaments plus nombreux et plus efficaces [que la metformine] seront rapidement développés », ajoute Nir Barzilai. On se doute bien qu’avec un marché potentiel de 7,3 milliards de Terriens, l’industrie pharmaceutique sera intéressée. Cela devrait aussi permettre à l’essai TAME, dont le budget s’élève à 50 millions de dollars, de trouver plus facilement des fonds… »
Source passeurdescience[:en]Doctors and scientists want drug regulators and research funding agencies to consider medicines that delay ageing-related disease as legitimate drugs. Such treatments have a physiological basis, researchers say, and could extend a person’s healthy years by slowing down the processes that underlie common diseases of ageing — making them worthy of government approval. On 24 June, researchers will meet with regulators from the US Food and Drug Administration (FDA) to make the case for a clinical trial designed to show the validity of the approach.
Current treatments for diseases related to ageing “just exchange one disease for another”, says physician Nir Barzilai of the Albert Einstein College of Medicine in New York. That is because people treated for one age-related disease often go on to die from another relatively soon thereafter. “What we want to show is that if we delay ageing, that’s the best way to delay disease.”
Barzilai and other researchers plan to test that notion in a clinical trial called Targeting Aging with Metformin, or TAME. They will give the drug metformin to thousands of people who already have one or two of three conditions — cancer, heart disease or cognitive impairment — or are at risk of them. People with type 2 diabetes cannot be enrolled because metformin is already used to treat that disease. The participants will then be monitored to see whether the medication forestalls the illnesses they do not already have, as well as diabetes and death.
On 24 June, researchers will try to convince FDA officials that if the trial succeeds, they will have proved that a drug can delay ageing. That would set a precedent that ageing is a disorder that can be treated with medicines, and perhaps spur progress and funding for ageing research.
During a meeting on 27 May at the US National Institute on Aging (NIA) in Bethesda, Maryland, Robert Temple, deputy director for clinical science at the FDA’s Center for Drug Evaluation and Research, indicated that the agency is open to the idea.
“What we’re trying to do is increase health span, not look for eternal life.”
Barzilai and his colleagues eschew claims of a quest for immortality, because they think that such assertions have led to a perception that the field is frivolous and irresponsible. “The perception is that we are all looking for a fountain of youth,” says Stephanie Lederman, executive director of the American Federation for Aging Research in New York. “We want to avoid that; what we’re trying to do is increase health span, not look for eternal life.”
Ageing research has hit bumps in the past decade, as companies marketing drugs touted to prolong life have gone bust (see Nature 464, 480–481; 2010). But organizers of the TAME trial think that the field is now in a better position because animal studies have shown that some drugs and lifestyle practices can extend life by targeting physiological pathways1.
For instance, the NIA-sponsored Interventions Testing Program, in which investigators at three sites are systematically trialling candidate age-delay treatments, has shown that a handful of interventions convincingly and reproducibly prolong the lives of various strains of mice. Those include cutting down on calorie intake and taking a drug called rapamycin that is used to prevent rejection of transplanted organs…
Full article on nature.com[:]