Technion (Israël) : de l'hydrogène à la demande grâce à la séparation entre hydrogène et oxygène

[:fr]Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’hydrogène est considéré par beaucoup comme la clef de voûte de la transition énergétique. Ce gaz présente d’innombrables potentialités. La combustion du carburant hydrogène ne produit aucun gaz carbonique, donc pas de CO2, mais de l’eau.

Or, les chercheurs du Technion en Israël (Israël Institute of Technology) viennent de faire une avancée spectaculaire dans le domaine de la fabrication et de la distribution d’hydrogène. Muriel Touaty, directrice générale du Technion France, explique : « des chercheurs de Technion ont développé une nouvelle méthode rentable, sûre et efficace afin de produire de l’hydrogène à partir de l’énergie solaire, loin des fermes solaires. Cette nouvelle technologie permettra de distribuer de l’hydrogène de manière centralisée en points de vente (par exemple, dans une station d’essence pour les voitures alimentées en hydrogène) situés loin de la centrale solaire. Cela devrait réduire de façon significative le coût de production de l’hydrogène et son acheminement jusqu’au client ».

Les principaux défis dans le développement des fermes solaires PEC pour la production d’hydrogène sont :

  • maintenir l’hydrogène et l’oxygène séparés l’un de l’autre
  • recueillir l’hydrogène de millions de cellules PEC
  • transporter l’hydrogène au point de vente.

« L’équipe du Technion a résolu ces dilemmes en développant une nouvelle méthode pour le fractionnement PEC de l’eau. Avec cette méthode, l’hydrogène et l’oxygène sont formés dans deux cellules séparées – l’une produit de l’hydrogène, et l’autre produit de l’oxygène. Séparés par une mince membrane, cela les empêche de se mélanger et de former un mélange inflammable et explosif. Alors que dans le procédé classique, l’hydrogène et l’oxygène sont produits dans la même cellule », explique Muriel Touaty.

Ce nouveau procédé permet donc la séparation géographique entre la centrale solaire composée de millions de cellules PEC qui produisent exclusivement de l’oxygène et le lieu où l’hydrogène est produit de manière centralisée, rentable et efficace. Ils ont utilisé pour cela une paire d’électrodes auxiliaires en hydroxyde de nickel, un matériau peu coûteux utilisé dans les piles rechargeables, et un fil métallique les reliant.

La vision des chercheurs du Technion est la séparation géographique entre les sites où l’oxygène et l’hydrogène sont produits : sur l’un des sites, il y aura une centrale solaire qui recueillera l’énergie du soleil et produira de l’oxygène tandis que l’hydrogène est produit de manière centralisée sur un autre site, à des kilomètres de là.

Ainsi, au lieu de transporter l’hydrogène comprimé du site de production au point de vente, il suffit d’échanger les électrodes auxiliaires entre les deux sites. Les calculs économiques réalisés en collaboration avec des chercheurs de la société Evonik Creavis GmbH et de l’Institut de recherche solaire du Centre aérospatial allemand (DLR) indiquent que le potentiel des économies réalisées est significatif dans les coûts d’installation et d’exploitation de production d’hydrogène.

« L’étude a été menée par Avigail Landman, étudiante en doctorat pour le programme Grand Technion Energy Program (GTEP), et par la Dr Hen Dotan du laboratoire de matériaux et de dispositifs électrochimiques. Avigail Landman prépare son doctorat sous la direction du Pr Avner Rothschild de la Faculté des sciences et de l’ingénierie des matériaux et du Pr Gideon Grader, doyen de la Faculté de génie chimique au Technion », précise Muriel Touaty.

« La méthode développée au Technion pour séparer la production d’hydrogène et la production d’oxygène a servi de base au développement d’une nouvelle technologie d’électrolyse à deux étages. Cette technologie, développée par le Dr Hen Dotan, permet la production d’hydrogène à haute pression et avec une efficacité sans précédent, réduisant ainsi considérablement les coûts de production d’hydrogène. La nouvelle technologie est maintenant en phase de développement préindustriel », souligne Muriel Touaty.

Grâce à la technologie développée au Technion, l'oxygène et l'hydrogène sont produits et stockés dans des cellules complètement séparées. Selon Mme Landman, l'une des électrodes (anode) peut être remplacée par une électrode sensible à la lumière (photo-anode), de sorte que la conversion de l'eau et de l'énergie solaire en hydrogène et en oxygène sera effectuée directement dans chaque compartiment simultanément.
Grâce à la technologie développée au Technion, l’oxygène et l’hydrogène sont produits et stockés dans des cellules complètement séparées. L’une des électrodes (anode) peut être remplacée par une électrode sensible à la lumière (photo-anode), la conversion de l’eau et de l’énergie solaire en hydrogène et en oxygène sera effectuée dans chaque compartiment simultanément.

« Dans notre recherche, nous décrivons une nouvelle méthode à travers la séparation physique de la production d’hydrogène et la production d’oxygène« , dit Mme Landman. «Selon notre estimation, notre méthode pourrait concurrencer avec succès les méthodes actuelles de fractionnement de l’eau et servir de plate-forme peu coûteuse et sûre pour la production d’hydrogène».

En raison des avantages de l’hydrogène carburant, de nombreux pays – le Japon, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Suisse qui a lancé sa première station-service à hydrogène fin 2016 – investissent des sommes considérables dans des programmes de développement de technologies respectueuses de l’environnement («vertes») pour la production d’hydrogène et la distribution. La majeure partie de l’hydrogène est actuellement produite à partir du gaz naturel dans un processus qui émet du CO2, ou par « le craquage de l’eau » qui consiste à diviser les molécules d’eau en hydrogène et en oxygène par l’électrolyse.

La production d’électricité est un processus coûteux et polluant. Aussi, des recherches dans le monde entier, y compris au Technion, sont menées à partir de cellules photo-électrochimiques (PEC) qui utilisent l’énergie solaire pour diviser directement l’eau en hydrogène et en oxygène sans recourir à une source d’énergie externe. Cette idée date des travaux de Michael Grätzel qui avait inventé avec un collègue de l’EPFL (Lausanne) une cellule solaire photo-électrochimique (PEC), capable de produire directement de l’hydrogène à partir d’eau. La cellule Grätzel est un système inspiré de la photosynthèse végétale qui, exposé à la lumière (photons), produit de l’électricité.

En octobre, Mme Landman avait remporté la première place du Concours de trois minutes (3MT) qui s’est tenu en Australie, dans la catégorie « énergie ». Lors de la compétition, tenue à l’initiative de l’Université de Queensland, les participants doivent présenter une recherche révolutionnaire en seulement trois minutes.

L’étude a été soutenue par les Centres israéliens d’excellence en recherche (I-CORE) pour la recherche sur le combustible solaire (financés par le Comité de planification et de budgétisation du Conseil pour l’enseignement supérieur d’Israël), le Ministère des Infrastructures nationales, Énergie et Eau, l’entreprise européenne Fuel Cells and Hydrogen Joint  Undertaking  (FCH JU), du Grand Programme Energétique du Technion (GTEP), du donateur Ed Satell et de la Fondation Adelis. Ce projet n’aurait pu voir le jour sans le soutien de la Fondation Adelis.

Publication dans Nature Materials[:en]

Technion researchers have developed a new method for the production of hydrogen from water using solar energy. The new method will make it possible to produce the hydrogen in a centralized manner far from the solar farm, cost-effectively, safely and efficiently.

Technion-Israel Institute of Technology researchers have developed a new approach to the production of hydrogen from water using solar energy. In findings published yesterday in Nature Materials, the researchers explain that this approach will make it possible to produce hydrogen in a centralized manner at the point of sale (for example, at a gas station for electric cars fueled by hydrogen) located far from the solar farm. The new technology is expected to significantly reduce the cost of producing the hydrogen and shipping it to the customer.

The study was led by Avigail Landman, a doctoral student in the Nancy & Stephen Grand Technion Energy Program (GTEP), and Dr. Hen Dotan from the Electrochemical Materials & Devices Lab. Ms. Landman is working on her doctorate under the guidance of Prof. Avner Rothschild from the Faculty of Materials Science and Engineering, and Prof. Gideon Grader, Dean of the Faculty of Chemical Engineering.

The study published in Nature Materials was supported by the Israeli Centers of Research Excellence (I-CORE) for Solar Fuel Research (funded by the Planning and Budgeting Committee of the Council for Higher Education of Israel), the Ministry of National Infrastructures, Energy and Water, the European Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking (FCH JU), the Grand Technion Energy Program (GTEP), donor Ed Satell and the Adelis Foundation.

Hydrogen is considered one of the most promising energy carriers for vehicles and various other uses because of its salient advantages:

  1. Hydrogen can be produced from water, and therefore production does not depend on access to non-renewable natural resources.
  2. Using hydrogen fuel would reduce the dependence on fossil fuels such as oil and natural gas, whose availability depends on geographical, political and other factors, and would increase the energy available to the earth’s population.
  3. Unlike diesel and gasoline engines that emit considerable pollution into the air, the only byproduct of hydrogen fuel utilization is water.

Because of the advantages of hydrogen fuel, many countries – led by Japan, Germany and the United States – are investing vast sums of money in programs for the development of environmentally friendly (“green”) technologies for the production of hydrogen. Most hydrogen is currently produced from natural gas in a process that emits carbon dioxide into the air, but it is also possible to produce hydrogen from water by splitting the water molecules into hydrogen and oxygen in a process called electrolysis. However, since electricity production itself is an expensive and polluting process, researchers at the Technion and around the world are developing a photoelectrochemical (PEC) cell that utilizes solar energy to split water into hydrogen and oxygen directly, without the need for external power source.

The main challenges in the development of PEC solar farms for the production of hydrogen are 1.) keeping the hydrogen and the oxygen separate from each other, 2.) collecting the hydrogen from millions of PEC cells, and 3.) transporting the hydrogen to the point of sale. The Technion team solved these challenges by developing a new method for PEC water splitting. With this method, the hydrogen and oxygen are formed in two separate cells – one that produces hydrogen, and another that produces oxygen. This is in contrast to the conventional method, in which the hydrogen and oxygen are produced within the same cell, and separated by a thin membrane that prevents them from intermixing and forming a flammable and explosive mixture.

Grâce à la technologie développée au Technion, l'oxygène et l'hydrogène sont produits et stockés dans des cellules complètement séparées. Selon Mme Landman, l'une des électrodes (anode) peut être remplacée par une électrode sensible à la lumière (photo-anode), de sorte que la conversion de l'eau et de l'énergie solaire en hydrogène et en oxygène sera effectuée directement dans chaque compartiment simultanément.
Grâce à la technologie développée au Technion, l’oxygène et l’hydrogène sont produits et stockés dans des cellules complètement séparées. Selon Mme Landman, l’une des électrodes (anode) peut être remplacée par une électrode sensible à la lumière (photo-anode), de sorte que la conversion de l’eau et de l’énergie solaire en hydrogène et en oxygène sera effectuée directement dans chaque compartiment simultanément.

The new process allows geographic separation between the solar farm consisting of millions of PEC cells that produce oxygen exclusively, and the site where the hydrogen is produced in a centralized, cost-effective and efficient manner. They accomplished this with a pair of auxiliary electrodes made of nickel hydroxide, an inexpensive material used in rechargeable batteries, and a metal wire connecting them.

“In the present article, we describe a new method for producing hydrogen through the physical separation of hydrogen production and oxygen production,” says Ms. Landman. “According to our cost estimate, our method could successfully compete with existing water splitting methods and serve as a cheap and safe platform for the production of hydrogen.”

The first diagram shows a conventional PEC device, with a membrane separating the two products (oxygen on the right, hydrogen on the left).

The second diagram shows the technology developed at the Technion: the oxygen and hydrogen are produced and stored in completely separate cells. According to Ms. Landman, one of the electrodes (anode) can be replaced by a light sensitive electrode (photo-anode), so that the conversion of water and solar energy into hydrogen fuel and oxygen will be carried out directly in each compartment simultaneously.

But that’s not all. As stated, the vision of the Technion researchers is geographic separation between the sites where the oxygen and hydrogen are produced: at one site, there will be a solar farm that will collect the sun’s energy and produce oxygen, while hydrogen is produced in a centralized manner at another site, miles away. Thus, instead of transporting compressed hydrogen from the production site to the sales point, it will only be necessary to swap the auxiliary electrodes between the two sites. Economic calculations performed in collaboration with research fellows from Evonik Creavis GmbH and the Institute of Solar Research at the German Aerospace Center (DLR), indicate the potential for significant savings in the setup and operating costs of hydrogen production.

In October, Ms. Landman won first place in the energy category in the Three Minute Thesis (3MT) competition held in Australia. At the competition, held on the initiative of the University of Queensland, participants are required to present groundbreaking research in just three minutes. In her lecture, presented in the following link, Ms. Landman briefly presents the current study: https://player.vimeo.com/video/187919440

The method developed at the Technion for separating hydrogen production and oxygen production was the basis for the development of new two-stage electrolysis technology. This technology, which was developed by Dr. Hen Dotan, enables hydrogen production at high pressure and with unprecedented efficiency, thus significantly reducing hydrogen production costs. The new technology is now in its pre-industrial development stage.

Publication in Nature Materials

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