UHJ, Weizmann et Volcani (Israël) : dégradation des sols, causes naturelles et anthropiques se combinent

[:fr]

Le sol est la couche la plus superficielle de la croûte terrestre. C’est un milieu complexe, composé en grande partie de minéraux solides mais aussi d’une partie liquide et d’une partie gazeuse et riche en matières organiques. Le sol fait pour ainsi dire partie du vivant : il accueille une impressionnante biodiversité (bactéries, champignons, vers, plantes, etc.), à laquelle le sol est indispensable et laquelle participe aussi à ses propriétés physiques et chimiques (cohésion, capillarité, aération…). L’équilibre qui caractérise les sols est parfois rompu, ce qui engendre leur dégradation. Cette dégradation peut être d’origine naturelle ou bien humaine.

Un des moteurs naturels de dégradation des sols réside dans les cycles répétés d’humidification-dessiccation. Ces cycles ont pour conséquence de modifier la structure du sol, le rendant entre autres plus compact, ce qui réduit sa capacité de rétention de l’eau, diminue son aération et accélère son érosion. Certaines pratiques agricoles détériorent aussi les sols, en particulier l’usage de pesticides et d’herbicides en amenuisant le taux de matière organique. Au-delà de leur effet direct sur le sol, pesticides et herbicides constituent un potentiel risque sanitaire. Ils sont d’une part reconcentrés par les plantes, puis consommés par les animaux ou les hommes. D’autre part, les sols pollués, en fonction de leur état, peuvent à leur tour polluer les nappes phréatiques ou l’eau qui les traverse. Un sol dont la structure est dégradée risque donc de relarguer une plus importante quantité de polluants.

Dr Yael Mishael, Hebrew U.
Dr Yael Mishael, Hebrew U.

Cinq scientifiques israéliens de l’Université Hébraïque de Jérusalem, de l’Institut Weizmann et du Centre Volcani pour la Recherche Agricole (ARO) ont étudié le lien entre les cycles d’humidification-dessiccation, la structure des sols et la propagation d’un herbicide. Plus particulièrement leurs derniers travaux, coordonnés par Yael Mishael, s’intéressent au cas de l’atrazine. Cet herbicide est suspecté d’être un perturbateur endocrinien. Il est interdit dans l’UE depuis 2003 mais est encore largement répandu dans le monde ; il était notamment utilisé dans certains cas en Israël au moins jusqu’en 2014.

Leurs expériences ont porté sur différents types de sols israéliens (argileux, sableux, calcaire ou non). L’équipe a premièrement montré que les cycles d’humidification-dessiccation favorisent la désagrégation de la majorité des sols, les rendant plus prompts à l’érosion. Seuls les sols ayant une haute teneur en calcaire sont renforcés par un effet de cimentation.

Les chercheurs ont ensuite déterminé l’effet d’un cycle humidification-dessiccation sur la capacité des sols à retenir l’atrazine. Ils concluent que la désagrégation du sol renforce le relargage d’atrazine tandis que l’agrégation renforce sa rétention. Enfin, ils sont parvenus à établir que le relargage d’atrazine est d’autant plus faible que le sol est riche en calcaire. Sous certaines conditions donc, les cycles d’humidification-dessiccation aggravent le relargage d’atrazine dans la nature en fragilisant la structure des sols.

On l’a vu, la qualité, voire la santé, des sols est donc un enjeu environnemental, mais aussi de santé publique. Dans un contexte de réchauffement climatique, les cycles humidification-dessiccation sont appelés à devenir plus sévères et fréquents. Les résultats de cette recherche, tout autant que sa démarche, nous permettent donc d’anticiper les conséquences et risques à venir du dérèglement climatique.

Rédacteur : Mathieu Rivière, post-doctorant à l’Université de Tel Aviv pour le BVST

Sources :
– Publication dans Land Degradation & Development
– Rapport sur la santé environnementale en Israël (2014, en anglais)
– Rapport sur la santé environnementale en Israël (2017, en anglais)[:]