Université de Tel-Aviv et WaterGen (Israël) : l’eau issue de la vapeur atmosphérique en ville est potable

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D’après une étude unique au monde réalisée sous la direction du Pr Dror Avisar, Directeur de l’Institut d’études appliquées sur l’eau de l’Université de Tel-Aviv, par l’étudiant de maitrise Offir Inbar, le laboratoire d’hydrochimie (TAU) et des chercheurs de l’Institut de recherche sur la Troposphère de Leibniz (Allemagne), l’eau issue de la vapeur atmosphérique au cœur de la zone urbaine de Tel-Aviv est conforme à toutes les normes strictes en matière d’eau potable fixées à la fois par l’État d’Israël et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). D’après les chercheurs, l’atmosphère terrestre est une vaste source d’eau renouvelable, qui peut servir de ressource alternative en eau potable et apporter une solution à la pénurie mondiale de l’eau.

Boire l’air que nous respirons

« C’est la première étude au monde qui examine la pollution sous un autre angle : son effet sur l’eau potable générée à partir de l’air », explique Offir Inbar. « Nous n’avons intentionnellement installé aucun système de filtration ni de traitement dans l’appareil utilisé pour l’étude : l’eau produite était bien uniquement celle obtenue à partir de l’air ».

Dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont effectué un large éventail d’analyses chimiques sophistiquées de l’eau et ont découvert que dans la grande majorité des cas, y compris à différentes saisons et à différents moments de la journée, l’eau extraite de l’air de la ville de Tel-Aviv était potable. De plus, à l’aide de diverses technologies innovantes de surveillance de la composition atmosphérique ainsi que de méthodes statistiques avancées, les chercheurs ont réussi à corréler pour la première fois sur le plan quantitatif le parcours de l’air dans les jours précédant son arrivée au point de production de l’eau, et la composition chimique de la rosée.

Pr Dror Avisar
Pr Dror Avisar

« L’étude a montré que la direction du vent affecte grandement la qualité de l’eau. Par exemple, lorsque le vent vient du désert, on trouve dans l’eau davantage de calcium et de soufre, c’est-à-dire des résidus d’aérosols de poussière du désert. Par contre, lorsque le vent vient de la direction de la mer, on trouve des concentrations plus élevées de chlore et de sodium », explique Offir Inbar. « De plus, nous avons constaté que l’on peut identifier les sources éloignées de provenance de l’air à partir de l’eau produite. Par exemple, l’eau produite à partir de l’air provenant de la région du Sahara a une composition différente de celle de l’eau produite à partir de l’air en provenance d’Europe ».

Pr Alexandra Chudnovsky
Pr Alexandra Chudnovsky

Cette étude, menée au moyen d’un dispositif spécial de la société israélienne Watergen, avec la participation de son équipe de R&D sous la direction du Pr Alexandra Chudnovsky (professeur invitée à l’école de santé publique de Harvard) a été publiée dans des revues scientifiques prestigieuses.

Ajouter des minéraux

Les chercheurs notent que la qualité de l’eau est également affectée par la pollution anthropique (résultant de l’action de l’homme sur la nature) provenant des transports et de l’industrie. « En utilisant des méthodes avancées, nous avons trouvé un lien direct entre les concentrations d’ammoniac, d’oxydes d’azote et de dioxyde de soufre dans l’air et celle de leurs produits de décomposition dans l’eau. Nous avons trouvé de faibles concentrations de cuivre, de potassium et de zinc dans l’eau, qui proviennent probablement de la pollution d’origine humaine », explique Offir Inbar.

« Du point de vue de la recherche, le lien chimique que nous avons constaté entre les paramètres météorologiques et la composition de l’eau permet pour la première fois d’étudier l’atmosphère à partir de l’eau qui en est extraite. Et sur le plan environnemental, ce lien permet de savoir quels minéraux il faut ajouter à l’eau extraite de l’air pour offrir aux populations une eau potable de qualité. En général, nous avons constaté que l’eau potable produite à partir de l’air ne contient pas suffisamment de calcium et de magnésium, et il est conseillé d’ajouter ces minéraux à l’eau, comme on en ajoute à l’eau potable dessalée dans certains pays ».

Une partie importante de l’eau que nous buvons aujourd’hui en Israël est de l’eau de mer dessalée. Mais selon le chercheur, il ne s’agit que d’une solution partielle, incapable de fournir de l’eau potable à la grande majorité de la population mondiale. « Pour dessaler l’eau de mer, il faut une mer, et de nombreux pays du monde n’y ont pas accès », explique-t-il. « De plus, après le dessalement, il faut une infrastructure complète pour transporter l’eau dessalée du front de mer vers les différentes villes, et de nombreux pays dans le monde ne possèdent pas les moyens techniques et économiques pour construire et entretenir une telle infrastructure ».

Une eau disponible et bon marché

« Par contre, l’eau extraite de l’air peut être produite n’importe où, sans nécessiter d’infrastructures de transport coûteuses et quelle que soit la quantité des précipitations. D’un point de vue économique, plus la température et l’humidité sont élevées, plus la production d’eau à partir de l’air est rentable. Le souci était que l’eau produite à partir de l’air au cœur d’une zone urbaine ne soit pas potable, et nous avons prouvé que ce n’était pas le cas », conclut Offir Inbar. « Nous étendons actuellement nos recherches à d’autres régions en Israël, notamment la Baie de Haïfa et les zones agricoles, afin d’étudier en profondeur l’impact des divers polluants sur la qualité de l’eau extraite de l’air ».

« La pénurie mondiale croissante en eau potable nécessite de sortir des sentiers battus et de développer de nouvelles technologies pour en produire », conclut Offir. « L’atmosphère terrestre est une source d’eau vaste et renouvelable, qui peut constituer une ressource alternative en eau potable. Notre atmosphère contient des milliards de tonnes d’eau, dont 98 % à l’état gazeux. Des dispositifs de production d’eau à partir de l’air comprenant des systèmes de purification et de traitement de l’eau existent déjà dans un grand nombre de pays dans le monde, où ils fournissent une eau potable de qualité aux personnes vivant dans des zones en difficulté ».

Publication dans Science of the Total Environment

Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv

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In a first-of-its-kind study in the world conducted at Tel Aviv University, researchers found that water generated from the air in the heart of an urban area, the city of Tel Aviv, complied with all of the strict drinking water standards set both by the State of Israel and by the World Health Organization. The researchers examined the quality of the water produced from the water vapor in the urban atmosphere, which is characterized by industry and massive construction, and found that it was suitable for drinking. The test was performed using a dedicated facility of the Israeli company Watergen, which partnered in the study.

The study was conducted by a team of experts from the hydrochemistry laboratory at the Porter School of Environment and Earth Sciences at Tel Aviv University, led by graduate student Offir Inbar and supervised by Prof. Dror Avisar, Head of TAU’s Moshe Mirilashvili Institute for Applied Water Studies. Also participating in the study was Watergen’s research and development team, Prof. Alexandra Chudnovsky, and leading researchers from Germany. The study’s results were published in two leading journals: Science of the Total Environment and Water.

The researchers explain that the growing global shortage of clean drinking water requires thinking outside the box and developing new technologies for producing potable water. The Earth’s atmosphere is a vast and renewable source of water, which may be an alternative drinking water resource. Our atmosphere contains billions of tons of water, 98% of which is in a gaseous state – that is, water vapor.

Offir Inbar explains that this is the first study in the world to examine air pollution from another angle – its effect on drinking water generated from the air. According to Inbar, no filtration or treatment system was installed in the device used in the study; the water that was produced was the water that was obtained from the air. The researchers performed a wide range of advanced chemical analyses of the water, and found that in the vast majority of cases, including during different seasons and at different times of the day, the water extracted from the air in the heart of Tel Aviv was safe to drink. In addition, with the help of a variety of innovative technologies for monitoring the composition of the atmosphere and by applying advanced statistical methods, for the first time the researchers were able to quantitatively link the process the air goes through in the days leading up to the point of water production and the chemical composition of the dew.

Offir Inbar explains: “The study showed that wind direction greatly affects water quality, so for example when the wind comes from the desert we find more calcium and sulfur, that is, residues of desert dust aerosols, in the water. However, when the wind comes from direction of the sea, we find higher concentrations of chlorine and sodium, which are found in the sea. Moreover, we found that the distant sources from which the air came before it reached the point of water production can be identified in the water. For example, water produced from air coming from the Sahara region differs in composition from water produced from air coming from Europe.”

The researchers note that water quality is also affected by anthropogenic pollution from transportation and industry. “Using advanced methods, we found a direct link between the concentrations of ammonia, nitrogen oxides and sulfur dioxide in the air and the concentration of their decomposition products in water,” says Inbar. “We found low concentrations of copper, potassium, and zinc in the water, which probably come from man-made pollution. From a research point of view, the chemical link we found between the meteorological parameters and the composition of the water makes it possible for the first time to study the atmosphere using water extracted from it. And environmentally speaking, this link allows us to know what minerals should be added to water extracted from air in order to provide people with quality drinking water. In general, we found that potable water from air does not contain enough calcium and magnesium – and it is advisable to add these minerals to the water, as they are added to desalinated drinking water in some countries.”

A significant portion of the water we drink today in Israel is desalinated seawater. According to Inbar, this is only a partial solution, and not one that can provide drinking water to the vast majority of the world’s population. “In order to desalinate seawater, you need a sea, and there isn’t access to the sea from every place in the world,” says Inbar. “After desalination, a complete infrastructure must be built that will carry the desalinated water from the waterfront to the various towns, and large parts of the world don’t possess the engineering and economic means to build and maintain such infrastructure. Water from the air, however, can be produced anywhere, with no need for expensive transport infrastructure and regardless of the amount of precipitation. From an economic perspective, the higher the temperature and humidity, the more cost-effective the production of water from the air is.”

Devices for generating water from the air that include water purification and treatment systems can already be found in a large number of countries in the world, where they provide quality drinking water to people living in distressed areas.

“The concern was that water produced from air in the heart of an urban area would not be suitable for drinking – and we proved that this is not the case,” Inbar concludes. “We are currently expanding our research to other areas in Israel, including Haifa Bay and agricultural areas, in order to investigate in depth the impact of various pollutants on the quality of water extracted from the air.”

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