Université de Tel-Aviv : les femmes trop "gentilles", gagnent beaucoup moins que les autres

[:fr]D’après une étude menée par le Dr. Sharon Toker de la Faculté de gestion de l’Université de Tel-Aviv, le Dr. Michal Biron de la Faculté de gestion de l’Université de Haïfa et le Dr. Renée de Reuver de l’École des sciences sociales de l’Université de Tilburg aux Pays-Bas, plus une femme est « gentille » sur son lieu de travail, c’est-à-dire chaleureuse, aidante, peu exigeante et cherchant à faire plaisir à ses collègues, moins son salaire est élevé, et de plus elle reste convaincue qu’elle gagne davantage qu’elle ne le mérite !

L’étude dévoile que même en Europe occidentale, pourtant relativement égalitaire, les femmes sont victimes de discrimination, et en particulier celles qui sont « gentilles ».

L’étude menée auprès de 385 employés d’une grande firme néerlandaise, visait à examiner la relation entre le niveau de rémunération, le sexe et les traits caractéristiques de la personnalité des employés. Les chercheuses ont examiné le salaire, le statut dans l’entreprise (déterminé par la rapidité et la forme de promotion), et le style personnel de tous les employés d’après un questionnaire rempli par eux. Les tendances de la personnalité de l’employé ont été déterminées sur une échelle allant de la domination à l’amabilité, la personnalité dominante étant caractérisé par une forte confiance en soi, une audace sociale, l’extraversion, la compétitivité et l’aspiration à l’avancement.

En bas du tableau de rémunération

L’amabilité était caractérisée par la générosité, la volonté de coopérer, la sympathie, la gentillesse, la considération et le tact. Dans un contexte de travail, les travailleurs ‘agréables’ auront tendance à faire preuve de chaleur envers ceux qui les entourent, à aider les autres, à faire montre de peu d’exigences ou de demandes de rétribution et essaieront de plaire à leurs collègues, même si cela signifie pour eux un renoncement à soi. En termes non-académiques, ce sont des personnes gentilles. « Ces qualités sont généralement attribuées aux femmes davantage qu’aux hommes« , commente le Dr. Tocker, « bien que dans la pratique on les retrouve dans une même mesure chez les deux sexes. Le problème est que la société attend des hommes de montrer plus de domination et moins de gentillesse. »

Résultats de l’étude : en tête du tableau de rémunération se trouvent les hommes dominants, suivis par les hommes « gentils », les femmes dominantes arrivant après seulement. Les femmes « gentilles » se retrouvent, elles, au bas du tableau.

Nouvelles positives cependant : contrairement aux résultats d’un bon nombre d’études antérieures qui déterminaient que les femmes dominantes payaient un prix élevé pour leur promotion et leur rémunération financière sur le marché du travail parce qu’elles étaient perçues comme autoritaires et agressives, tandis que les hommes dominants sont considérés comme des patrons excellents et assertifs, la présente recherche révèle une image différente. Les femmes dominantes, tout comme les hommes dominants, gagnent plus. En d’autres termes, les femmes ne sont pas punies parce qu’elles font montre d’une caractéristique considérée comme masculine.

Par contre, il apparait clairement que les femmes « gentilles » continue de payer un lourd tribut dans leur vie professionnelle: plus vous êtes « gentille », plus vos chances d’obtenir un salaire approprié à vos compétences et à votre investissement est faible. Toute progression d’un échelon sur l’échelle de « l’amabilité » correspond à une baisse de 21% des chances de recevoir une juste compensation. Par comparaison, sur une échelle de 1 à 5 représentant l’indice de la caractéristique de domination chez les femmes, chaque augmentation d’un échelon, par exemple le passage de 2 à 3, implique une augmentation de 32% des chances d’approcher le niveau de salaire des hommes.

Une faible estime de soi

Mais les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là. Les femmes qui font montre d’un haut niveau de « gentillesse » non seulement reçoivent un salaire et des promotions inférieurs à leur mérite, mais encore lorsqu’on leur demande leur avis sur la question, elles déclarent qu’elles reçoivent plus que ce qu’elles méritent. « On ne peut pas savoir s’il s’agit d’un manque de sensibilisation, d’un manque de confiance en soi ou d’une rationalisation« , commente le Dr. Tocker. « Mais il est probable qu’elles possèdent une faible estime de soi. En outre, il est possible qu’elles prennent en considération d’autres facteurs dans le cadre de leur rémunération, comme par exemple les bonnes relations sociales ou des conditions de travail agréables ».

En revanche, les femmes dominantes ont rapporté dans les questionnaires leur sentiment d’obtenir moins que ce qu’elles méritent relativement à leur niveau d’éducation, leur expérience et leurs performances. » Elles ont raison. Ces femmes sont conscientes des écarts entre elles et les hommes et ne les ignorent pas », dit le Dr. Tocker. « Il était clair pour elles qu’elles méritent plus ».

« Lorsque vous montrez de la bonté, de la chaleur, de la sympathie et de la considération, même si vous obtenez certains effets positif, objectivement, vous êtes lésée« , ajoute-t-elle. « Le système tire parti de cette gentillesse, au moins au niveau de la promotion et du salaire. Il est possible que cette caractéristique présente d’autres avantages. Les employés gentils se sentent peut-être mieux dans leur travail, leur environnement est probablement plus agréable et les relations avec leurs collègues leurs apporte une compensation dans une certaine mesure, mais en ce qui concerne la rémunération, la gentillesse est un inconvénient ».

Hommes gentils et femmes gentilles

Quant aux hommes gentils, ils souffrent aussi, mais moins. « Un homme qui fait montre d’une caractéristique qui ne correspond pas clairement à son sexe est puni dans une certaine mesure », explique le Dr. Toker. « Il recevra bien un salaire et un avancement appropriés à son investissement, son expérience et son niveau d’études, mais à la différence des mâles dominants, il n’obtiendra pas davantage que ce qu’il mérite, par rapport aux femmes de la même catégorie ».

Ce dernier phénomène est connu dans la littérature professionnelle comme le Backlash Effect. Si les qualités d’un homme sont moins « masculines » que l’attend la société, par exemple s’il a tendance à coopérer, à aider et être d’accord avec ceux qui l’entourent, il le paiera par une rémunération plus faible que celle qu’il pourrait obtenir. Cependant, comme les femmes dominantes, ces hommes aussi, lorsqu’on les a interrogés, étaient conscients du fait que leur situation était moins bonne qu’elle ne pourrait l’être.

En fin de compte, dit le Dr. Tocker, les résultats des recherches indiquent, sans grande surprise, que les femmes perçoivent une rémunération moindre que ce qu’elles méritent, par rapport à leur contribution à l’entreprise. Cependant, « une personnalité dominante les aide à obtenir une rémunération plus élevée (mais encore faible en termes absolus par rapport aux hommes), et elles en sont au moins conscientes. En revanche, les femmes possédant une tendance au consensus reçoivent trop peu, mais pense malheureusement, qu’elles reçoivent trop, ce qui les empêche de prendre des mesures pour améliorer leur situation ».

Selon le Dr. Tocker, la même étude menée en Israël aurait probablement donné des résultats identiques, en particulier pour les hommes ‘gentils’, en raison de la culture virile-militaire qui prévaut encore et dicte les codes de comportement sociaux.

Que faire pour changer la situation ?

« Travailler à renforcer la sensibilisation et les processus d’autonomisation, en particulier chez les femmes ayant des niveaux élevés de tendance au consensus. Il est particulièrement important de sensibiliser ces femmes qui se valorisent pas, ne reconnaissent pas le fait qu’elles n’obtiennent pas ce qu’elles méritent, et ne pensent pas qu’elles obtiennent trop peu, à l’écart existant et de les aider à prendre des mesures pour le réduire ».

Publication dans European Journal of Work and Organizational Psychology

Auteur, Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD Rédactrice en chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA

Fondée en 1970, l’AFAUTA est une association à but non lucratif. Sa mission principale est l’action en faveur d’une prestigieuse université israélienne, l’Université de Tel-Aviv, qu’elle assiste dans ses plans de développement à long terme. Elle travaille aussi au renforcement des relations entre l’Université et l’ensemble de la communauté française.[:]