Université de Tel-Aviv : les patients atteints de formes graves de Covid-19 créent des anticorps plus vite que ceux avec des symptômes légers

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D’après une étude des Prof. Motti Gerlitz et Ariel Munitz du Département de microbiologie et d’immunologie clinique de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, les malades atteints de formes graves de Covid-19 développent des anticorps plus rapidement que ceux présentant des symptômes légers. L’étude, menée sur des patients de l’hôpital HaSharon du Centre Médical Rabin, pourrait avoir des implications majeures pour la compréhension de la réaction immunitaire au coronavirus, la surveillance de l’efficacité des futurs vaccins et le suivi de la population au moyen de tests sérologiques. Les nouvelles informations vont être transmises au ministère israélien de la Santé.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs de l’Université de Tel-Aviv ont utilisé un nouveau test sérologique, mis au point par les Prof. Munitz et Gerlitz, déjà employé par le Corps médical de Tsahal pour détecter les anticorps contre le coronavirus chez les soldats, et qui sera probablement utilisé pour la population civile après validation par le ministère de la Santé.

L’équipe a suivi pendant deux mois le développement des anticorps contre deux protéines virales différentes chez 70 patients hospitalisés à l’hôpital Hasharon, au moyen de tests innovants.

« Nous avons analysé les anticorps dans l’organisme de ces patients au long de toute la période de l’épidémie depuis son déclenchement en Israël », précise le Prof. Munitz. « Et notre première constatation a été que toutes les protéines virales ne produisent pas de réaction immunitaire rapide. En revanche, ceux contre la protéine RBD ont évolué très rapidement par rapport à l’apparition des symptômes. Ceci est important, car cela soulève la possibilité d’utiliser la recherche des anticorps de cette protéine dans le sang comme un test de diagnostic des différents stades de la maladie ».

Tous les patients développent une réaction immunitaire

Les chercheurs ont découvert que les anticorps IgM, qui se développent au début des infections virales, apparaissent dès les premières stades de la maladie, mais uniquement contre la protéine RBD, qui est le site de la liaison du virus avec les cellules humaines, et pas contre la protéine nucléaire du virus. Cet anticorps est resté élevé dans la circulation sanguine des patients au cours des deux premiers mois suivant l’infection, ce qui peut indiquer la possibilité d’une mémoire immunitaire.

« Une autre constatation, encore plus intéressante, est que les patients définis comme gravement malades ont développé des anticorps plus rapidement que ceux atteints d’affections légères ; mais en fin de compte, tous les patients ont présenté une réaction immunitaire similaire », explique le Prof. Munitz. « Autrement dit, quel que soit le degré de gravité de la maladie, les patients développent un même niveau d’anticorps ». C’est une constatation importante, car on aurait pu penser que les malades gravement atteints sont arrivées à cette situation parce qu’ils n’avaient pas développé d’anticorps, et que leur organisme n’avait aucun moyen efficace de se défendre contre le virus. A notre avis, le développement rapide des anticorps est révélateur de la suractivité du système immunitaire chez ces patients, mais il s’agit d’une hypothèse qui doit être vérifiée ».

« Nous avons examiné les niveaux d’anticorps dans le sang des malades lors de l’hospitalisation, pendant, et après », ajoute le Prof. Gerlitz. « Nous avons essayé de comprendre s’il existe un lien entre la gravité de la maladie et le niveau des anticorps, s’ils se développent de la même manière chez tous les patients et s’ils restent dans le sang pendant une longue durée, donnée importante pour le phénomène souhaité ‘d’immunisation de masse’. Nous avons constaté une baisse importante des anticorps de type IgM et IgA, sans lien avec la gravité de la maladie, à un stade avancé de la maladie, environ 50 jours après l’apparition des symptômes. En revanche, les anticorps de type IgG, très importants sur le plan immunitaire, car ils sont capables de neutraliser la protéine de liaison du virus (celle qui lui permet de contaminer nos cellules), et ainsi d’empêcher l’entrée du virus dans les cellules, n’ont diminué que très légèrement, et ce, même chez les patients présentant des symptômes légers ».

Une mémoire immunitaire

« Bien que nous n’ayons pas vérifié l’action de cet anticorps et nous ne savons pas s’il neutralise ou non le virus, dans la mesure où il se forme rapidement chez tous les patients, et de plus reste longtemps dans la circulation sanguine, nous supposons qu’il confère un certain degré d’immunité. Pour le moment nous parlons d’une période de quelques mois, mais nous allons continuer de suivre les patients pendant l’année à venir, et par la suite nous pourrons savoir pendant combien de temps ces anticorps sont restés dans leur organisme, en espérant qu’une mémoire immunitaire se sera également formée ».

« En plus de ces constatations intéressantes, nous voulions également montrer que notre méthode est mieux adaptée et plus efficace que la méthode conventionnelle pour tester les anticorps contre les protéines virales », explique le Prof. Munitz. « Nous avons donc analysé les anticorps à la fois dans des échantillons de sang des patients atteints du covid19 et dans celui de 200 personnes saines, collectés avant 2019, et nous avons montré que nous étions capables de distinguer les personnes malades des personnes saines avec une sensibilité et une spécificité extrêmement élevées. Une des raisons de ce succès est que nous ciblons trois anticorps différents : l’IgM qui apparait tôt dans la maladie et diminue rapidement, l’IgA présent dans les muqueuses comme celles des poumons et l’IgG, que nous voulons suivre sur une longue période, car c’est celui qui pourra conduire à une immunisation au virus. Au cours des prochains jours, nous transmettrons nos conclusions au ministère de la Santé pour validation, dans l’espoir que la méthode sera utilisée pour mener des enquêtes sérologiques sur la population, voire même comme outil de diagnostic ».

Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv

 

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