Universités de Tel Aviv et Chicago : une fusion de quarks bat la fusion de la bombe à hydrogène
[:fr]Une réaction de fusion avec des quarks dans certaines particules élémentaires produit plus d’énergie que la réaction de fusion de la bombe à hydrogène. Il n’y a pas de raison de croire pour autant qu’il sera possible de fabriquer des bombes à quarks.
La fusion contrôlée est le graal des physiciens qui s’intéressent aux sources d’énergie du XXIe siècle. Elle nous permettrait en effet de réaliser une transition énergétique à la hauteur des défis du changement climatique. Ce dernier nous impose de décarboner massivement nos industries alors que nous devons assurer les besoins d’une population humaine toujours en croissance. Existe-t-il des sources d’énergie qui pourraient nous permettre de faire encore mieux ?
On pourrait le croire à l’annonce d’une découverte qui vient d’être publiée par des physiciens dans un article déposé sur arXiv. Ces derniers ont trouvé une réaction entre particules élémentaires qui produit presque huit fois plus d’énergie qu’une réaction de fusion comme celle du deutérium avec le tritium envisagée pour les expériences du programme Iter (rappelons que ce réacteur thermonucléaire n’est pas destiné à être le prototype d’un réacteur de production industrielle d’électricité mais un laboratoire pour la physique et l’ingénierie d’un tel réacteur).
La réaction nouvellement découverte est certainement supérieure en gain d’énergie à la fusion des bombes H, par exemple celles qui utilisent un mélange de deutérium et de lithium pour finalement faire fusionner du deutérium avec du tritium, produit indirectement.
Un baryon Xi particulier
Les physiciens Marek Karliner (Université de Tel Aviv) et Jonathan Rosner (Université de Chicago) ont fait leur découverte en étudiant de plus près la physique découlant de l’existence, récemment confirmée par le LHC, d’un baryon Xi bien particulier. Celui-ci contient trois quarks :
– deux quarks charmés (quarks c)
– un quark haut (quark up, ou u, en anglais)
Chacun de ces quarks porte une charge valant deux tiers de la charge élémentaire d’un électron. Cet hadron est donc quelque peu exotique puisque sa charge est deux fois celle d’un proton et qu’il contient deux quarks lourds charmés, d’où sa désignation technique : Ξcc++.
Il peut être produit à l’aide d’un baryon formé d’un quark u, d’un quark d et, enfin, d’un quark charmé c, c’est-à-dire un hypéron lambda c (Λc). Deux de ces hypérons entrant en collision conduisent alors à une réaction équivalente à la fusion des quarks charmés. En remplaçant les quarks charmés par des quarks b, on peut montrer qu’alors que la fusion du tritium et du deutérium produit 17,6 MeV, la fusion de deux hypérons lambda b libère 138 MeV.
Des bombes à quarks aux étoiles à quarks
Lorsqu’il fit cette découverte, le physicien Marek Karliner, alors en poste à l’Université de Tel Aviv, fut un peu effrayé. D’ailleurs, il ne se serait certainement pas lancé dans une publication s’il pensait que cela pouvait avoir une application militaire sous forme de bombe à quarks. Mais le chercheur savait bien que les hypérons lambda ne peuvent être produits qu’en quantités infinitésimales, et seulement avec de grands accélérateurs comme le LHC. Ces particules sont très instables et ne peuvent donc pas être stockées. Penser qu’il soit possible d’obtenir des bombes d’un nouveau genre surpassant les bombes H avec les hypérons lambda serait utopique, plus encore que de croire que cela soit réalisable en utilisant de l’antimatière, elle aussi très difficile à produire et à conserver en laboratoire.
Toutefois, peut-être que ce nouveau type de réaction produisant de l’énergie va intéresser quelques astrophysiciens travaillant dans le domaine des étoiles à neutrons. Après tout, certains ont proposé, il y a quelques années, le concept d’étoiles à quarks, tirant leur énergie de la « combustion » de quarks dans le cadre du modèle électrofaible.
Auteur : Laurent Sacco pour Futura Sciences
Publication dans le Journal Nature, 2 novembre 2017
Voir aussi articles de :
– Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA
– Thomas Boisson pour trustmyscience
– “Quark Fusion” Produces Eight Times More Energy Than Nuclear Fusion[:en]The essence of nuclear fusion is that energy can be released by the rearrangement of nucleons between the initial- and final-state nuclei. The recent discovery1 of the first doubly charmed baryon , which contains two charm quarks (c) and one up quark (u) and has a mass of about 3,621 megaelectronvolts (MeV) (the mass of the proton is 938 MeV) also revealed a large binding energy of about 130 MeV between the two charm quarks. Here we report that this strong binding enables a quark-rearrangement, exothermic reaction in which two heavy baryons (Λc) undergo fusion to produce the doubly charmed baryon and a neutron n (), resulting in an energy release of 12 MeV. This reaction is a quark-level analogue of the deuterium–tritium nuclear fusion reaction (DT → 4He n). The much larger binding energy (approximately 280 MeV) between two bottom quarks (b) causes the analogous reaction with bottom quarks () to have a much larger energy release of about 138 MeV. We suggest some experimental setups in which the highly exothermic nature of the fusion of two heavy-quark baryons might manifest itself. At present, however, the very short lifetimes of the heavy bottom and charm quarks preclude any practical applications of such reactions.
Publication in Nature, Nov. 2nd 2017[:]