Surpêche, déchets, pollution, tourisme de masse : il faut sauver la Méditerranée

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Développement urbain, surpêche, déchets, pollution, tourisme de masse… ont conduit à un appauvrissement de la diversité marine à l’est de la mer Méditerranée. Israël a un rôle clé à jouer dans la préservation de la diversité marine de la partie orientale de la Méditerranée. La SPNI  a joué un rôle important en interdisant la pêche au chalut dans les eaux peu profondes et en limitant la pêche. L’agence israélienne Zavit fait le point sur les périls qui menacent la Grande Bleue.

La solution : des aires marines protégées

Une situation suffisamment préoccupante pour qu’Israël propose de financer des projets et créer davantage d’aires marines protégées (AMP), permettant ainsi de rééquilibrer l’écosystème de la partie orientale de la Méditerranée.

La fondation Yad Hanadiv alliée à d’autres ONG environnementales vient de lancer un appel d’offres et débloquer d’importants fonds pour que des études soient menées afin de créer de nouvelles zones protégées ou de développer celles déjà existantes.

Tampon entre trois continents, la mer Méditerranée est au centre des échanges économiques, commerciaux entre le sud de l’Europe, l’ouest du continent asiatique et le nord de l’Afrique. Une position enviée et même privilégiée mais qu’elle paie cher avec le développement de la civilisation moderne. Aujourd’hui, la Méditerranée et son écosystème souffrent de la surpêche , de la pollution liée au trafic commercial, de l’aménagement urbain de ses côtes pour accueillir les touristes, de la construction de ports et des conflits politiques régionaux  qui se traduisent par le non-respect des règlements de base.

Malgré la convention de Barcelone de 1995 pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, signée par les 22 pays limitrophes dont Israël, Chypre, l’Egypte, la Turquie, et la Syrie, la partie orientale de la Méditerranée continue à sombrer dans la crise écologique et environnementale.

Israël, dont le littoral est situé à l’extrême est de la Grande bleue est conscient des dangers et a lancé de nombreuses initiatives pour protéger son écosystème marin.

Tout récemment le fonds Yad Hanadiv fund s’est associé à l’Autorité israélienne chargée de la protection de la nature et des parcs nationaux  (Société pour la protection de la nature, Israel National Park authority)  pour financer des recherches scientifiques et multiplier le nombre d’ aires marines protégées.  “L’objectif est de parvenir à ce que 20% des côtes israéliennes et des eaux les bordant soient des zones protégées, idéalement d’ici 2030,” explique le Dr. Noga Sokolover, une biologiste marine de l’ISEES (Israel Society for Ecology and Environmental Sciences).

A titre de comparaison la France déclare 22 % d’AMP en 2017 dans les eaux françaises (qui couvrent 11 millions de km², surtout outre-mer) dont 40% en Méditerranée. Un chiffre contesté toutefois par les experts qui estiment que nombre de ces aires ne rentrent pas dans la définition fixée en 2010 en application de la Convention sur la diversité biologique de 1992.

Israël comme la plupart des pays baignés par des mers ou des océans a adopté un plan de développement marin en 2015 suite aux recherches menés par des experts à l’Université du Technion, dont l’objectif était de démontrer l’utilité de ces AMP et comment les développer.

Aujourd’hui en Israël une dizaine d’aires sont protégées mais ce sont la plupart du temps de petites surfaces et encore à un stade préliminaire.

Maintenant il est urgent d’en créer davantage et de préserver le milieu marin. Pour ce faire Yad Hanadiv s’adresse à des chercheurs dans plusieurs disciplines. Doté dans un premier temps d’un budget de plus de 1,5 million de shekel (près de 400.000 euros), les experts doivent proposer des solutions pour accélérer la création de ces AMP.

Ils sont appelés à étudier des zones bien précises pour identifier pourquoi elles réagissent autant aux perturbations de l’écosystème. Les causes peuvent être diverses : forages, arrivée d’espèces marines étrangères, pollution, changement climatique….

La partie orientale en danger

Par rapport à de nombreux pays riverains la surface marine d’Israël est relativement petite avec une côte longue de  195 kilomètres et  4.000 km2 d’eaux. Mais situé à l’extrême est de la Méditerranée son rôle est essentiel.

Créer et développer ces AMP impliquent de de nombreuses étapes dont celles de gérer leur statut juridique et  trouver un accord avec les autorités gouvernementales qui les administreront. Les côtes maritimes sont divisées en trois grandes zones : les eaux territoriales sous autorités israéliennes jusqu’à 12 miles nautiques (22 km) des côtes, la zone contiguë entre 12 miles et 24 miles (jusqu’à 44 km) où le pays côtier a le droit d’exercer des droits de douane et de police et la ZEE (zone exclusive économique) qui représente la plus grande partie (22.000 km2) et s’étend jusqu’à mi-distance de Chypre, soit  environ 370 km des côtes israéliennes.

Israël a l’obligation dans cette ZEE où peuvent naviguer des bateaux étrangers de préserver l’équilibre de l’écosystème en contrepartie de l’exploitation et de l’exploration de ses ressources naturelles.

Chacune de ces zones doit respecter des règlements et les autorités en charge ont souvent des objectifs distincts et parfois même contradictoires, ce qui complique l’accord sur les AMP. Ainsi le ministère de l’Environnement chargé d’administrer les eaux territoriales se soucie avant tout de la protection de la nature des zones côtières ce qui est souvent incompatible avec les souhaits du ministère de l’Economie qui veut développer les échanges et l’exploitation des côtes pour le commerce, le tourisme, la pêche, le forage…. « Le ministère de l’Economie est responsable des ZEE et le développement du commerce et l’exploitation des ressources marines est un obstacle à la protection de l’environnement », regrette Noga Sokolover citant l’exemple de la bataille entre les deux ministères sur l’interdiction de certaines méthodes de pêches dont celle au chalut. « Les lobbies de l’environnement veulent supprimer la pêche au chalut. Les enjeux du ministère de l’Economie sont différents et imprévisibles et il est difficile de s’accorder sur des zones protégées », ajoute-t-elle. 

Une grave crise se profile, il faut agir vite

Mais ces conflits d’intérêts ne doivent pas se faire au détriment du développement des AMP. Leur création est l’objet d’une convention internationale et il faut agir vite pour la survie de la Méditerranée. Déjà, il y a plusieurs décennies l’Agence européenne pour l’Environnement avait émis des alertes sur une prochaine crise environnementale en Méditerranée.  Mer semi-fermée, la Méditerranée souffre d’un excès d’évaporation par rapport aux précipitations et d’un déficit de réserves d’eaux qui s’accentue chaque année.

Les eaux de la Méditerranée vont devenir plus salées et plus chaudes se traduisant par une moindre diversité biologique marine, un déficit de nutriments et ce phénomène est déjà observé dans sa partie orientale. Le tourisme, l’agriculture et ses déchets, l’augmentation de la population… ont fait leurs ravages et conduit à une eutrophisation(apport de substances d’origine industrielle dans une eau stagnante, ce qui provoque un déséquilibre biologique et une baisse de la quantité d’oxygène).

Israël fait partie des plus mauvais élèves parmi les pays bordant la Méditerranée, responsable d’un tiers de la pollution au plastique, selon un récent rapport du World Wildlife Fund. Ce même rapport dénonce aussi l’Egypte avec le barrage d’Assouan construit sur le Nil et l’élargissement du canal de Suez. Ces deux ouvrages ont fortement perturbé l’équilibre biologique marin de la Méditerranée. Le barrage empêche le déversement en Méditerranée de nutriments essentiels à l’écosystème et réduit l’arrivée d’eaux douces provenant du Nil.

L’expansion du canal de Suez qui date de 2015 a eu aussi un impact négatif sur la faune marine avec l’arrivée d’espèces en provenance de la mer Rouge, chaude, dans la mer Méditerranée qui est à l’origine froide. « Quelque 350 espèces sont arrivées en Méditerranée dont des méduses, des algues, des mollusques certains étant dangereux », selon le docteur Adi Levi, biologiste marin responsable scientifique pour l’ISEES. Une opinion partagée par de nombreux experts internationaux qui regrettent que Le Caire n’ait pris aucune mesure pour éviter les impacts négatifs de cet élargissement du canal.

Des espèces de poissons inconnues notamment herbivores comme le Siganus rivulatus ou le Siganus luridous ; poisson lapin qui dévore les algues se sont introduites le long des côtes israéliennes, notamment au nord vers Haifa et ont considérablement modifié l’écosystème« .

La géographie même de la Méditerranée avec le détroit de Gibraltar, large de seulement 13 kilomètres et peu profond (360 mètres), unique ouverture vers l’océan aggrave la situation. Avec cette configuration seules les eaux supérieures de l’Atlantique pénètrent dans la Grande bleue, ensuite le courant les entraine vers la Sicile où les fonds marins sont encore moins profonds. Conséquences les apports d’eaux riches en nutriments provenant de l’océan restent concentrés dans l’Ouest de la Méditerranée laissant la zone orientale oligotrophe (pauvre en nutriments), chaude et saline.

Ainsi à l’est de la Méditerranée, la diversité marine est divisée par deux par rapport à l’ouest.

Le soutien des pouvoirs publics et des associations environnementales est essentiel pour le succès de ce projet de protection.  Les associations comme la Society for the Protection of Nature (SPNI) et l’ANU  sont des acteurs importants car ils véhiculent le message et encouragent à la prise de conscience.

Ces dernières années, la SPNI a joué un rôle important en interdisant la pêche au chalut dans les eaux peu profondes et en limitant la pêche en fonction des saisons.

Les lobbies ont du pouvoir certes mais ne peuvent se substituer aux pouvoirs publics qui doivent également être engagés.

Israël a un rôle important à jouer dans la préservation de la diversité marine de la partie orientale de la Méditerranée et a la capacité de mener des recherches avec des scientifiques internationaux, d’entreprendre des actions pour le bien-être de l’ensemble de la région.  Espérons que les initiatives et les investissements se multiplient dans la bonne direction.

Jackson Moser pour l’Agence Zavit, 19 août 2019

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